2024 - Projet Euvabeco
14/08/2024
Cinq outils pour renforcer la vaccination en Europe
À partir de septembre, sept pays européens vont expérimenter les outils du projet Euvabeco, dont le but est de stimuler la vaccination et de « créer les conditions nécessaires à des pratiques de vaccination innovantes dans toute l’Europe ». Parmi ces outils, une carte de vaccination transfrontalière sera testée par la Grèce, la Lettonie, la Belgique, l’Allemagne et le Portugal.
Euvabeco, quésaco ?
Euvabeco est l’acronyme de « European Vaccination Beyond COVID-19 », que l’on peut traduire par « vaccination européenne au-delà du Covid-19 ». Lancé le 1er janvier 2024 pour une durée de 30 mois, impulsé par la Commission européenne et financé à 80 % par le programme EU4Health (l’UE pour la santé), ce projet vise à « créer les conditions nécessaires à des pratiques de vaccination innovantes dans toute l’Europe », indique le site internet dédié, et à « rétablir la confiance dans les programmes de vaccination ».
Sur le plan opérationnel, Euvabeco est un consortium de 14 institutions et universités issues de neuf pays membres de l’UE : la Pologne, l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique, le Portugal, la Grèce, la Lettonie, la Suède et la France. Il est coordonné par l’université de Crète.
Stimuler la vaccination de crise, mais aussi de routine
La première phase du projet a consisté à identifier les pratiques de vaccination innovantes mises en place durant le Covid au sein des différents pays européens, puis à sélectionner cinq outils stratégiques permettant aux États membres de « reproduire les conditions de déploiement » de ces pratiques, que ce soit « pour la vaccination de routine ou une crise future ». Le but n’est donc pas uniquement de se préparer aux prochaines pandémies, mais également de stimuler les vaccinations dans leur ensemble.
La deuxième phase du projet est d’expérimenter les cinq outils sélectionnés dès ce mois de septembre 2024 et jusqu’en août 2025, à travers douze projets pilotes testés dans sept pays partenaires : la Belgique, l’Allemagne, la Grèce, la Lettonie, le Luxembourg, la Pologne et le Portugal.
Cinq outils complémentaires
Ces cinq outils ont été sélectionnés suivant cinq champs d’action : médical, social, industriel, prévisionnel et numérique. Ils sont présentés de la manière suivante sur le site d’Euvabeco :
– L’outil médical ou système de décision clinique (CDS) vise à fournir des informations et des recommandations, afin d’aider les professionnels de santé et les patients à faire des choix de vaccination de manière éclairée.
– L’outil social ou outil de dépistage (SCR) permet d’identifier les populations vulnérables en vue de mener des campagnes ciblées les invitant à se faire vacciner. Cet outil doit aussi permettre une livraison plus efficace des vaccins.
– L’outil industriel consiste en une notice électronique (ePIL) destinée au patient et permettant de transférer des vaccins d’un pays à l’autre sans avoir besoin de les reconditionner, pour faciliter leur distribution.
– L’outil de modélisation et de prévision (FOR) est un simulateur de maladies visant à sensibiliser à la dynamique des infections et à évaluer en temps réel l’impact des interventions de santé publique.
– Enfin, l’outil numérique n’est autre qu’une carte de vaccination européenne (CVE), dont le but est d’assurer la traçabilité du patient et la continuité des soins tout au long de la vie.
Adoption à grande échelle prévue pour 2026
Tous ces outils sont inspirés de dispositifs ayant déjà fait leurs preuves durant le Covid, mais chacun dans leurs pays respectifs.
L’idée est de les adapter et de les rendre viables dans tous les États membres, « afin d’encourager une adoption à grande échelle » à partir de 2026.
À ce stade, il n’est pas prévu de les rendre obligatoires. Mais on peut imaginer qu’ils le deviendront facilement en cas de nouvelle déclaration de pandémie de la part de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et si des solutions vaccinales sont proposées, ce qui semble assez inéluctable étant donné que des organismes comme la CEPI (Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies) œuvrent pour fabriquer des vaccins en 100 jours contre n’importe quelle maladie pandémique émergente (la fameuse « maladie X » de l’OMS).
La CVE, un simple carnet de vaccination…
À ce stade également, il n’est pas prévu que la carte de vaccination européenne (qui sera testée à partir de septembre en Grèce, en Lettonie, en Belgique, en Allemagne et au Portugal) devienne un passeport sanitaire européen. D’après la page « Questions-réponses » du site d’Euvabeco, cet outil n’est que la version numérique (ou même papier) d’un simple carnet de vaccination. Il s’agit d’un « dossier personnel » et non d’un « document réglementaire ». Son but est « d’aider les individus à suivre leurs vaccinations pour leur propre santé et la continuité des soins », quel que soit le pays où ils se trouvent. Donc, rien à voir avec le certificat Covid numérique, selon eux.
Il est, de plus, précisé que la CVE « n’utilise pas de système centralisé de stockage de données. Pour que d’autres personnes puissent accéder aux données du citoyen, le citoyen doit envoyer intentionnellement ses données ou montrer sa CVE à quelqu’un d’autre. »
… ou un futur pass sanitaire ?
Cependant, dans un communiqué consacré à cette carte, on apprend que la CVE « utilisera le réseau de confiance du GDHCN ». Il s’agit du Réseau mondial de certification sanitaire numérique, mis en place par l’OMS en juin 2023, et dont le premier outil créé a été un certificat sanitaire mondial, inspiré du certificat Covid européen.
Tous les doutes sont donc permis quant à l’évolution de la fonctionnalité de la CVE, même si Euvabeco insiste : « Bien qu’elle soit similaire au certificat numérique de l’UE pour la Covid-19 en ce qu’il s’agit d’un enregistrement de vaccination portable, la CVE a un objectif différent. Contrairement au certificat, qui remplissait souvent les mandats légaux ou de santé, la CVE est spécifiquement conçue pour autonomiser les individus en leur accordant le contrôle de leurs informations sur la vaccination. »
Un outil d’incitation à la vaccination
Cet « inoffensif » carnet de santé a néanmoins un autre objectif déclaré : il doit « favoriser la prise de décision éclairée en matière de vaccination ». On se demande bien comment, car posséder un historique de ses vaccins n’a jamais éclairé personne sur les bénéfices et les risques de la vaccination.
Une réponse est donnée plus loin : la CVE fournira au citoyen « des informations précises et à jour sur la vaccination », non seulement pour éclairer sa décision, mais également pour « renforcer [s]a confiance dans les stratégies nationales et européennes de vaccination ». Voilà qui ressemble davantage à un outil de propagande qu’à un outil d’information…
QR code et métadonnées
Enfin, le communiqué d’Euvabeco nous apprend que la CVE « comportera des informations complètes sur l’historique des vaccins, y compris des enregistrements textuels détaillés, un code QR scannable et des métadonnées intégrées téléchargeables ». Quels en seront les contenus ? Ce n’est pas indiqué. « En outre, chaque fichier vaccinal sera lié à un dossier principal original tenu par une organisation de santé crédible, garantissant ainsi la fiabilité des données ». Et la traçabilité du patient, a-t-on envie d’ajouter…
De leur côté, les professionnels de santé pourront scanner le code QR ou accéder aux métadonnées de la carte « pour inclure, évaluer, compléter et confirmer les entrées de vaccination dans leur système de dossiers de santé électroniques (EHR) ». Et, bien sûr, toutes ces données numériques ne seront jamais ni revendues, ni piratées par personne, ni utilisées à d’autres fins qu’un suivi vaccinal bienveillant…
La base d’un portefeuille numérique ?
Pour la journaliste Senta Depuydt, collaboratrice de Nexus et spécialiste des questions de santé, cette carte de vaccination européenne est en réalité l’arbre qui cache la forêt : « Il est évident que l’interopérabilité de la CVE est destinée à étendre sa portée au-delà de la seule vaccination et qu’il s’agit surtout de créer la base d’un portefeuille numérique qui rassemblera une multitude de données personnelles », écrit-elle dans un article publié sur le site Essentiel News.
Senta Depuydt étaye ses propos en soulignant le rôle de T-Systems, une filiale de Deutsche Telekom, à qui plusieurs plateformes numériques de santé ont été confiées. « À l’heure actuelle, l’entreprise dispose de beaucoup d’applications […] qui concernent les soins hospitaliers, l’assurance santé ou le recueil des données à des fins d’études scientifiques… sans parler des autres domaines comme les transports publics, l’administration et les véhicules automobiles. De là à tout rassembler sur une seule “méga appli”, il n’y aura qu’un pas », anticipe-t-elle. Pour l’instant, le portefeuille d’identité numérique européen est encore en cours d’expérimentation.
Article par Alexandra Joutel